Le Tribunal sur le Liban : Une justice pour quelle paix ?
Neuf ans après les faits s’est ouvert à La Haye le procès in absentia du gang « Ayyache & Co », les coupables présumés de l’assassinat extrêmement violent, même pour les critères du Moyen-Orient, de Rafic Hariri, Premier Ministre Libanais emblématique des années 90 et du début des années 2000. Si le Liban a besoin de connaître la vérité, établie par une justice équitable et non par des rumeurs impliquant le Hezbollah, peut-on véritablement s’attendre à ce que ce procès insuffle un nouveau départ à ce pays ?
Le 14 février 2005, un attentat à la voiture piégée tuait Rafic Hariri, ancien Premier Ministre libanais en plein Beyrouth. A cette époque, le Liban subissait encore une très forte influence en provenance de la Syrie encore très présentes malgré les différentes résolutions du Conseil de Sécurité de l’ONU lui intimant l’ordre de se retirer du pays du Cèdre. C’est donc tout naturellement que les soupçons ont accusés les services secrets de Bachar al-Assad d’avoir assassiné Rafic Hariri, un fervent défenseur de l’indépendance libanaise vis-à-vis de la mainmise syrienne sur le pays.
Au fil des années et des indices accumulés dans l’enquête menée par le TSL, c’est aujourd’hui, c’est tout une autre histoire que s’apprête à révéler la cour de La Haye. En effet, la plupart des preuves accuseraient un gang, dont les membres sont toujours en cavale, et qui aurait été soutenu par le Hezbollah. Si le Hezbollah est connu pour ce genre d’assassinats, il n’en reste pas moins que c’est un élément puissant de l’échiquier politique libanais, en particulier grâce à sa milice armée qui reçoit de l’aide notamment de la Syrie et de l’Iran et qui sert de rempart contre Israël mais aussi à la faveur de ses différents programmes sociaux qui lui assurent le soutien de tout un pan de la population. C’est donc une force à ne pas sous-estimer et qui pèse de tout son poids dans la société libanaise.
Quel avenir pour le Liban après ce procès ?
De grandes manifestations avaient eu lieu après l’assassinat de Rafic Hariri. L’attente du peuple libanais va donc enfin pouvoir se terminer. Justice sera rendue et il sera donc enfin possible de refermer cette page, sans l’oublier pour autant, afin d’aller de l’avant. Pour autant, ce procès va-t-il véritablement pouvoir relancer la machine politique libanaise ? Rien n’est moins sûr.
En effet, le système politique du pays est, certes, très égalitaire entre les différentes confessions représentées au Liban. Par exemple, le Président doit être un Maronite, le Premier Ministre un Sunnite alors que le Président de l’Assemblée Nationale doit être un Chiite. C’est peut-être même un système exemplaire de ce point de vue-là puisqu’il permet également à toutes les sensibilités de pouvoir s’exprimer au Parlement. C’est en revanche un système qui se retrouve facilement bloqué à cause du nombre de sensibilités diamétralement opposées qui siègent au Parlement.
Ainsi, si le Hezbollah venait à être officiellement condamné par le TSL, nul doute qu’une instabilité politique accrue redeviendrait au goût du jour à Beyrouth. Ajoutons à cela que le Liban sert de base arrière à un grand nombre de rebelles qui combattent, dans les deux camps, en Syrie et que le nombre de réfugiés ne cesse de croître. De plus, les différents attentats de la fin décembre, notamment celui perpétré sur Mohammad Chatah, un haut diplomate sunnite, montrent que la violence reste une arme prégnante dans ce pays. Le procès Hariri intervient donc dans un contexte difficile qui ne devrait pas permettre au Liban d’en retirer tous les bénéfices cathartiques.
Alors que les libanais continuent leur attitude « business as usual », preuve à la fois d’une grande force de caractère et d’une lassitude continue, le gouvernement semble peu armé pour utiliser les retombées du procès a de fins d’unité nationale pour parvenir à endiguer la violence de certaines factions en présence.